Haluk Piyes: La solution réside dans le « vaccin d’amour »

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J’ai eu le plaisir de rencontrer Haluk Piyes. Cet acteur/réalisateur germano-turc aux multiples facettes, est aussi conseiller social spécialisé dans la lutte contre la drogue et les conduites à risques des adolescents.

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Haluk Piyes n’est pas qu’un acteur à la magnifique quarantaine, il est aussi pleinement engagé dans sa cause. Un homme artiste mais un homme de cœur. Il nous l’a ouvert afin de nous présenter son rôle auprès des jeunes dépendants. Partons ensemble découvrir ses secrets et sa recette du bonheur !

– J’aimerais parler de votre métier de conseiller, pourquoi cette spécialisation dans le domaine de la dépendance?

– Plus jeune, j’ai perdu des amis qui étaient dépendants aux drogues. Je considérais mes amis comme ma famille et j’avais pour mission de les aider. Beaucoup de mes amis sont tombés dans le piège de la dépendance. Moi j’ai eu la chance d’y échapper, je dois cela avant tout au « vaccin d’amour » inconditionnel de ma mère mais aussi au sport et au soutien de mes enseignants.

– Et vous, vous n’avez jamais essayé?

– Non jamais. J’étais le rabat-joie classique qu’on retrouve dans les ghettos : celui qui éteint les cigarettes, casse les bouteilles, l’ami qui n’est pas très populaire ! Mais ma détermination à les aider était tellement importante que je me moquais de ce qu’ils pensaient. Pourtant, des années plus tard, il y en a qui sont venus me remercier.

HALUK PİYES (6)

– Pensez-vous que nous avons tous le même potentiel de vulnérabilité face aux drogues?

– Non je ne pense pas. Ça dépend de beaucoup de choses. Le cadre familial est important, l’enfant d’un drogué sera forcément plus vulnérable. En général on considère que les six premières années de l’existence, appelées « petite enfance », sont cruciales pour le développement de l’enfant. Je pense que c’est valable jusqu’à l’âge de 10 ans. Si la petiteenfance a été soumise à d’importants traumatismes, nous allons observer une déviation plus ou moins perverse qui peut naturellement causer de la dépendance. Par expérience, les enfants issus de famille où il y a un manque d’amour ou de la violence sont plus susceptibles de devenir « accros ».

– Donc l’entourage familial a une influence considérable?

– En effet. Au cours des quatre premières années, l’enfant va emmagasiner sur le plan physique tout un ensemble de réflexes, entre autres des réflexes mimétiques. Ce qu’il observe pendant cette période va constituer le socle sur lequel il va chercher à se développer. De ce fait, si les parents consomment des substances psychoactives, il sera d’autant plus susceptible de les imiter. Mais si en revanche, si les parents sont affectifs l’un envers l’autre, cela deviendra sa réalité.

– En général, à quel âge commence-t-on la consommation de drogues ?

– Cela peut varier selon l’environnement, les conditions socio-économiques ou le quartier dans lequel l’enfant évolue. On dit que les enfants commencent à consommer des substances psychoactives dès l’école primaire ! Même si ce n’est pas faux, il ne faut pas généraliser. Mais se dire que des enfants en sont victimes dès l’école primaire est une vraie tragédie, 1 enfant sur 5 est concerné ! Malheureusement ce taux est à la hausse.

– Est-il vrai qu’on se drogue surtout pour oublier les problèmes ?

– J’ai pu l’expérimenter à plusieurs reprises. Lorsque je vivais en Allemagne, à l’âge de 13 – 14 ans, mes amis organisaient des soirées et ils voulaient juste être « défoncés ». Il ne s’agissait pas de boire du vin en accompagnement d’un plat, ils recherchaient à oublier les soucis de leur quotidien. Et moi je les ramassais dans des chariots de supermarché pour les ramener au quartier…

– Mais que recherchaient-ils à oublier, les difficultés financières ?

– Quand les gens veulent se « défoncer » à ce point, ce qu’ils veulent oublier en réalité c’est le manque d’amour. C’est quand il y a un manque ailleurs que le matériel devient important. Par exemple, un enfant qui a des chaussures déchirées mais qui est aimé de ses parents, ne va pas se concentrer sur ses chaussures.

Mais imaginez le même scénario sans l’amour des parents. Lorsque l’enfant verra d’autres enfants avec de belles chaussures grâce auxquelles ils sont aimés, il voudra aussi de belles chaussures, parce qu’il voudra aussi être aimé, reconnu. La solution réside dans le « vaccin d’amour » qu’il faut donner aux enfants, s’il est inexistant, ils cherchent à compenser ce manque par un autre moyen.

– Oui mais tout ceux qui n’ont pas de parents affectueux ne sont pas drogués !

– Dans l’idéal l’enfant devrait grandir dans une atmosphère familiale empreinte de tendresse. Mais si ce n’est pas le cas, il est possible qu’il obtienne cet amour ailleurs (professeurs, voisins…), ce qui pourrait compenser d’une certaine manière le manque affectif. Après, il est aussi possible de se soigner soi-même en aimant sans rien attendre en retour. Mais ça c’est une grande vertu et les enfants peuvent ne pas être en mesure de le comprendre…

– Lorsque vous formez des enfants plus jeunes, comment abordez-vous le sujet des drogues ?

– Je ne leur parle surtout pas de drogue, inutile d’éveiller leur curiosité, j’oriente mon travail autour de la prévention avant tout. J’essaie de les vacciner à l’amour en leur apprenant à le donner aux gens qui les entourent. Si on cultive une croyance de l’amour, on se soigne par la même occasion. C’est d’ailleurs un besoin instinctif avec lequel nous naissons.

– À quoi peut-on reconnaitre un jeune qui se drogue?

– Déjà il faut éviter d’interpréter trop rapidement une situation préoccupante, un comportement inhabituel peut avoir plusieurs raisons (fatigue, stress, problème à l’école, etc.). Il faut juste le surveiller et observer les signes. Si un enfant commence à voler, à avoir des problèmes avec la police…Il se peut qu’il ait un problème.

– Que faire dans ce cas ?

– Si notre enfant a un comportement déséquilibré, il faut se remettre en question d’abord. Peut-être que l’environnement familial explique son attitude ou il se peut aussi que çela soit un problème externe (école, amis..). Encore une fois, il n’y a pas de règle universelle, ce n’est pas parce que les parents ne sont pas exemplaires avec l’enfant qu’il va se droguer et vice versa.

– Comment aborder le sujet ?

– Déjà il faut savoir si l’enfant n’est pas sous l’emprise de la drogue, sans quoi il pourrait ne pas comprendre ce que vous dites ou réagir de manière violente. Avant tout, il faut installer un climat de confiance avec l’enfant, une fois en confiance le dialogue sera facilité.

Il faut surtout réfléchir aux causes initiales qui poussent l’enfant à avoir recours aux drogues. Pour ne pas être dépendants, nos attachements sociaux doivent êtres sains, la famille avant tout mais aussi les amis et les activités sociales. Chaque enfant est différent et a des problèmes qui lui sont propres, il faut traiter chaque cas individuellement.

– On dit que le cerveau du dépendant est endommagé, qu’en pensez-vous?

– Cela dépend vraiment de la substance qui est utilisée et surtout de la durée. On ne peut pas comparer une drogue dure avec la consommation de tabac par exemple. Certaines drogues peuvent avoir des effets négatifs irrévocables sur le cerveau mais cela ne s’applique pas à toutes les substances.

Plutôt que de se concentrer sur les conséquences, il faut davantage travailler sur la prévention. Si 5 enfants sur 20 consomment des drogues, les 5 enfants sont, bien entendu, très importants mais les 15 autres le sont tout autant ! Il faut lutter pour faire en sorte que les jeunes ne commencent jamais.

– Vous exercez deux métiers qui peuvent être considérés comme opposés, d’une part le monde excentrique du cinéma, d’autre part la lutte contre les drogues, n’est-ce pas paradoxal ?

– Avant tout, j’aime beaucoup le monde du cinéma. C’est par ailleurs, un outil qui me permet de passer des messages. Vous savez le scalpel utilisé par un médecin peut sauver des vies alors qu’un assassin peut l’utiliser pour tuer. C’est pareil pour les médias, on ne peut pas nier l’impact de l’audiovisuel sur nos vies ni l’intérêt que leur portent les gens. C’est à nous de l’utiliser de manière responsable et à de bonnes fins. Il y a en effet une industrie qui l’utilise dans le but de pousser à la consommation de drogues. C’est par le même moyen que je l’utilise pour contrer cette tendance !

Haluk Piyes, face aux problèmes de drogues depuis sa plus tendre enfance, a toujours lutté contre cette terrible dépendance qui a rongé beaucoup de ses amis. Son engagement et sa sincérité me touche tant cela semble si simple dans ses propos de préserver nos enfants de la drogue : le vaccin d’amour. Un amour et une tendresse inconditionnelle dans la famille serait le secret pour préserver les jeunes de toutes les dérives dans lesquelles ils pourraient tomber.

À l’écouter, nul doute que cet homme n’est certainement pas aussi artificiel que son métier d’acteur pourrait le faire imaginer, au contraire même, il se sert de sa notoriété pour véhiculer ses messages de prévention !

Haluk Piyes est l’exemple même de la sincérité et de l’authenticité, à croire qu’il a choisi de faire partager son « vaccin d’amour », offert par sa Maman, au monde entier…

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Nu

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