La sériephilie ! Le néologisme peut évidemment prêter à sourire. Le sociologue Clément Combes parle encore du “sériphile addict”. Qui se cache sous l’étiquette ? Celui qui perd la maîtrise de sa consommation de séries télévisées. A tel point que sa vie sociale en est affectée. Et il faut bien avouer que nombre de séries sont si bien ficelées que l’on devient vite addict. Les scénaristes ont d’ailleurs bien compris la clé du succès et ils ne manquent pas d’exploiter le filon. Pour appâter la potentielle victime, la recette est souvent la même : un scenario intelligemment construit, une fin ouverte qui fait que la série n’est jamais terminée et un format qui pousse à la consommation. Puisque l’épisode ne dure qu’une heure, pourquoi ne pas en regarder un autre ? Jusque-là, rien de bien méchant sauf que la gentille addiction peut virer à l’obsession. Le seul sujet de conversation du sériphile addict devient alors la série du moment. Ce dernier peut aller jusqu’à s’identifier aux personnages, à reproduire leurs dialogues. En somme, la série agit sur notre comportement et notre personnalité. C’est une forme d’aliénation plus sournoise qu’il n’y paraît.
Les séries véhiculent également des valeurs perverses. Le héros de Dexter, célèbre série policière à la mode US, est ainsi un serial killer qui peut en toute impunité laisser libre cours à ses pulsions puisqu’il est un expert médico-légal en analyse de trace de sang. Dans Breaking Bad, autre série en vogue, c’est un honorable professeur de chimie qui se transforme en dealer pour financer le mal incurable dont il est atteint. Rien de très moral mais les ficelles sont assez grosses. La série Gossip Girl est peut-être plus perverse. Elle décrit le mode de vie de l’élite milliardaire de Manhattan. Un monde où hypocrisie, fausseté des rapports humains et adultère sont banalisés. Une espèce de caricature d’une société de consommation où prime le plaisir que l’on prend. Pour les esprits les plus fragiles, l’illusion de la facilité est dangereuse et le sériphile addict a parfois du mal à réconcilier fiction et réalité. De l’isolement social à la dépression, il n’y a parfois qu’un pas. Et l’impact des séries télévisées sur nos comportements commence aujourd’hui à être pris au sérieux au même titre que d’autres addictions.
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